Zéro de conduite
Cette semaine, j’ai vécu un petit moment de solitude lors du renouvellement de mon permis de conduire au centre japonais. Après avoir rempli quelques documents et fait vérifier ma bonne vision avec 3 images à trou, me voilà parqué dans une grande salle avec une centaine de personnes. Je suis le seul étranger. Je comprends par bribes qu’il sera question d’un rappel sur les règles de conduite d’une heure, d’un film et d’un petit test… Stupeur... Un test ? En Japonais ??? « Bigre, me dis-je, ça se corse ».
Le décor est un peu vintage, la seule concession au 21ème siècle est un écran plat qui se demande ce qu’il fait là. Pour le reste on retrouverait presque l’ambiance rassurante des films de Pagnol : un professeur nous fait face devant le tableau, en cravate impeccable, avec une baguette de bambou sous le bras et un réveille-matin posé devant lui. Le ton est solennel, tout ceci ne me rajeunit pas; ça m'évoque un peu les vieux reportages d'actualité des années 30...
Mon esprit digresse: [voix nasillarde, introduction avec trompettes, parasites sur la bande son] "Chaque matin, les écoliers saluent leur maître qui les met en rang. Après la gymnastique et une marseillaise chantée à l'unisson, monsieur Perchard l'instituteur commence par la leçon de choses. Les élèves sont attentifs et apprennent avec enthousiasme les principes rudimentaires de la machine à vapeur et de la presse à papier. On passe au cours d'instruction civique républicaine qui apprendra à nos têtes blondes le fonctionnement de nos institutions et quels grands hommes les ont façonnées."
Retour au réel.
Des situations de carrefour sont expliquées avec des vieux magnets usés sur une toile accolée à un support métallique. Les statistiques d’accidentologie de l’année sont écrites à la main sur un tableau séparé. Le mobilier a vécu, ça sent la naphtaline. La peinture est un peu décrépie, les néons clignotent. Le maître déroule son discours auquel je ne comprends pas tout, il faut bien l’admettre.
Habitué à ce genre de situation, j’use de ma technique habituelle et hoche ostensiblement la tête en signe d’assentiment pour ne pas trahir l’imposture. Un peu trop peut-être, car le hasard m’a mis au deuxième rang. Me voilà soudain apostrophé par l'instructeur les yeux dans les yeux. Je réponds « oui » à tout hasard. Pari gagnant. Mon front se perle de sueur.
Petit à petit je décroche, et mes quelques notes hypocrites du début se couvrent de dessins de voiture, puis une raquette de tennis, un bibelot, une vache.
Je prends l’air entendu et concerné quand ça a l’air important, et je rigole quand les autres rigolent.
Arrive le moment du petit test qui se présente sous la forme de 31 questions. Google translate sera mon sauveur, me dis-je. La traduction me montre que les questions sont faciles, mais l’outil n’est pas parfait et la numéro 14 me laisse, encore aujourd’hui, perplexe.
J’ai répondu « oui » à cette question.
Finalement, à la fin, je comprends qu’il s’agissait d’un auto-test et qu’il n’est pas vérifié. Soulagement. Mon permis est renouvelé.
Globalement conduire au Japon est très facile, les règles sont respectées (en doutiez-vous ?).
Quelques particularités :
- Ça roule à gauche ; facile.
- Sur la vitesse, il y a quand même une tolérance. Pas de radars automatiques et peu de contrôles. Si on ne voit que peu de vrais chauffards, ça roule quand même plus vite que sur les panneaux.
- Sur l’alcool, aucune tolérance. Gare à toi, fêtard imprudent !
- L'arrêt en double file pour une course ou une livraison est banal. Tout le temps. Partout. Les rues sont encombrées de véhicules à l'arrêt, et plus c'est étroit plus il y en a. C'est pénible mais c'est comme ça, que voulez-vous.
- La patience d’ange des japonais : au début je n’avais pas ma carte ETC (télépéage). J’arrive un soir au péage d’accès au « périphérique », une seule file ouverte. Je n’ai pas de cash, et ils ne prennent pas la carte. Une procédure est prévue dans ce cas, il faut remplir parfaitement un formulaire papier recto verso pour recevoir la douloureuse plus tard. Je mets 10 bonnes minutes à m’acquitter de cette formalité. Derrière moi un embouteillage monstre se créée. Et pourtant... Pas un klaxon, pas un « dégage, connard ! », pas un conducteur excédé qui sort de sa voiture pour trépigner sous mes yeux. Même l’employé de la compagnie routière m’aide patiemment. Je soupçonne tout de même les pensées les plus viles dans les têtes des malheureux bloqués derrière moi, au premier rang desquelles « ça doit être un étranger ».
- L’art de se garer : l’espace étant réduit à Tokyo, nombre de maisons ont un box minuscule où la voiture doit se glisser tel le pied de Cendrillon dans son soulier de vair (de vair ou de verre d’ailleurs ? La polémique court toujours…). Avec des énigmes parfois, quand on voit une voiture insérée entre deux mûrs qui la frôlent. Par quel miracle le chauffeur s'est il extrait? Comment se peut-ce?
Voilà, chers amis, une question palpitante que nous pourrons revoir dans le prochain bulletin d'actualité. [musique de fin avec trompettes].
Commentaires
Enregistrer un commentaire