Crèche Test
(Pas mal le titre, ce coup-ci, hein ?)
La rentrée a été active ici, puisqu’Aurore a retrouvé un travail. Cela s’est fait en quelques jours et nous avons donc dû faire face à l’angoisse, somme toute assez banale, de la question du mode de garde pour le jeune Georges.
Voulant donner le meilleur à la chair de notre chair, nous nous sommes tout d’abord tournés vers les crèches internationales, du genre de celles qui proposent des cours de poterie et d’éveil musical dès l’âge de 2 mois. Ces pouponnières forment un creuset multiculturel qui suinte l’éveil précoce et la mondialisation joyeuse. Ici, on vise rien moins que l’étage supérieur de la pyramide de Maslow, à la pointe de laquelle doit flotter au plus vite le drapeau conquérant de l’accomplissement personnel post-natal.
Mettant en balance cette promesse alléchante avec quelques menus inconvénients (notamment le fait que le devis global tutoie mon salaire annuel), nous nous sommes finalement rabattus vers un jardin d’enfant municipal 100% japonais. Le staff ne parlant pas un mot d’Anglais, il a fallu nous faire aider pour vérifier qu’il s’agissait bien d’une crèche et non d’un salon pour chien, qui sont très répandus au Japon et d’apparences comparables – « Et après tout, pourquoi pas… hein Georges ? Pourquoi pas... »
Le rapport aux petits chiens est déroutant au Japon, cela méritera un billet un jour.
Georges est finalement accepté à la crèche municipale ! Nous débarquons pour le premier jour d’adaptation. La structure est accueillante, mais plus en adéquation avec les étages inférieurs de l’ami Maslow. Nous sommes bien entendu venus avec notre bébé et son baluchon : 2 couches, un bavoir et un doudou.
On nous fait bien vite comprendre que le compte n’y est pas du tout et que notre amateurisme est touchant. Il faut venir avec une Samsonite grand format contenant 12 couches, 3 tenues de rechange, 2 sous-matelas, 2 serviettes de bain, 3 paires de chaussettes, 2 bavoirs en plastique, 2 serviettes en coton. A apporter/rapporter tous les jours.
On m’apostrophe : « Éperon, éperon» ?
« Éperon ?... »
« Yes ! Éperon ! »
« Éperon… [A soi-même : « bon sang, que peut-ce être ?»] … Éperon petit patapon ?»
« No no… Éperon !»
De guerre lasse, à tout hasard… : « Aaaah ! Étron!!! Yes, this morning, Georges big étron!”
Conciliabules: “Big étron は何ですか? Big étron…は何も理解していませんでした … Big étron …”
Google translate vient à mon secours. Il s’agit du bavoir en plastique souple.
Puis l’on sort les petits pots carotte / patate faits maison. Le personnel les observe d’un œil mi-méfiant mi-dégoûté. Après concertation, on nous recommande plutôt des plats pour enfants japonais avec du tofu et du soja. Notre orgueil parental est touché. S'ensuit un conseil de famille, qui acte du maintien de notre position; nous insistons donc sur nos productions pots éthiques en verre (mouais…). L’ennemi capitule et valide ces préparations avec la mention « répugnant mais comestible ».
Après quelques jours de mise en route et d’impasses communicationnelles, nous finissons par être adoptés et Georges est maintenant « ジョージ くん » (prononcez Djiodji koune : petit Georges).
Jeu-concours : lequel de ces enfants est le nôtre? |
On est plongé, sans surprise, dans un univers fait de process et de règles, à l’intérieur desquelles tout va bien et à l’extérieur desquelles tout va mal. L’ensemble formant une mécanique huilée.
Tous les matins, c’est une chorégraphie millimétrée qui se joue : il faut remplir la Samsonite de Georges avec la cargaison quotidienne d’affaires qui ne serviront à rien, puis renseigner le dernier contrôle technique de l’enfant dans l’App japonaise : heure de la dernière vidange, relevé de la nuit, état général, et un opus eschatologique (limité à l'analyse des selles). Puis aller à la crèche, retirer ses chaussures sans lâcher le bambin et son ballot de layette, les mettre dans un petit casier, monter 3 étages en chaussettes sur revêtement ciré, arriver en nage devant le jury d’admission et déclarer en haletant que tout va bien et qu’on a bien pensé aux « Eperons » cette fois. Mine satisfaite des juges. Reste les 32 points de contrôles de la valise , et un protocole politesse de 3 min, fait de courbettes et de remerciements. Et on peut y aller.
Au final tout roule pour l’instant, mais gare ! L’équilibre est précaire : la température des enfants est prise 3 fois par jour (!!!) avec obligation d’aller chercher son gamin à la moindre incartade au-delà de 37,5°C. Cela réduit à néant l’école dite «française », qui consiste à bourrer de doliprane son enfant brûlant le matin puis de le dropper groggy à la crèche en clamant « pas de fièvre, non. Un peu rouge, le nez qui coule et de la fatigue, ça doit être les dents » (que celui qui n’a jamais péché…).
Pour finir, et c'est l'essentiel: Georges a l’air très content.
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