Cela fait maintenant plus de 4 ans que nous sommes en Asie. Cela a naturellement été pour nous l’occasion de visiter de nombreux endroits, avec nos sémillants bambins. Étant maintenant armé d’une petite expérience quant aux joies et misères des excursions en famille, je me prends à rêver à la possibilité de passer ces précieux moments dans une harmonie parfaite.
Dans ce monde rêvé, enfants et parents communient en permanence dans un mélange de détente et de dépaysement. Le rire suinte comme du miel de chaque parole, toute découverte participe à la construction d’un humanisme pétri de fraternité. Les temps de silence permettent d’ancrer les consciences dans la grande perspective de l’histoire humaine.
Mais en réalité c’est souvent ça :
- C’est vraiment superbe ce jardin... Arthur, il est où ton frère ?
- Jché pas. Il est parti en pleurant.
- Qu’est ce qui lui arrive ?
- Il en a marre de marcher, il veut rentrer à l’hôtel, il a faim et il dit que je l’ai tapé.
- Tu l’as tapé ?
- … D’abord c’est lui qui a commencé avec son bâton.
- Quel bâton ?
- Celui qu’il a trouvé dans le tas de bâtons là-bas.
- Le tas de bâton?... Ah… Tu veux parler, j’imagine, de ces tuteurs qui supportent les bonsaïs millénaires à l’entrée ? Entrée près de laquelle nous venons de constater l’anecdotique présence d’un logo de l’Unesco ?
- Ben c’est un bâton.
- Remettez ça tout de suite, malheureux… Ah, voilà ton frère. Qu’est-ce que tu as fait de ton audioguide ?
- Jché pas, j’ai dû le perdre… Arthur c’est un nul et un crétin. Arthur, t’es qu’un nul.
- Non c’est toi… tiens !
- Aïe !!!
- [Gardien] Sir, can you kindly ask your kids not to fight here? We consider this area as a sacred place…
- Papa tu peux répondre au monsieur qu’on en a marre de visiter des temples et des jardins? On rentre quand à Tokyo ? j’ai envie de retrouver mes jeux »
(Gros Soupir)
L’hôtel devient pour l’enfant, dès la phase de répartition des lits, (« c’est moi en haut!», « non c’est moi!», « non c’est moi ! ») le nouveau nid douillet d’un quotidien fait de découverte donc d’inconnu. S’il n’est pas satisfait du programme, l’enfant déploiera des trésors d’imagination pour y retourner le plus tôt possible chaque jour. Les signaux faibles apparaissent vers 10h30; le prélude est généralement « c’est encore long la journée » ? Guettez l’apparition de ces quelques mots, ils marquent l’arrivée en enfer. Un autre indice est le sarcastique « Et allez... encore un temple… ».
Le choix de l’hôtel est important. Il doit être suffisamment confortable pour constituer un havre de paix ; mais gare ! Tout excès de luxe, espace ou service développe instantanément un syndrome « club med » pour l’enfant : la qualité des infrastructures relèguera n’importe quelle activité extérieure au rang de corvée abjecte. Dans ce cas, pour tenter une sortie, on pourra placer des kit-kats depuis la porte de la chambre jusqu’à la sortie de l’hôtel. Une fois le piège refermé, prévoir une heure de négociation pour désamorcer la mutinerie. Promettez un programme merveilleux, des rencontres avec des animaux fantastiques, n’importe quoi…. Evitez surtout de claironner « on va faire une randonnée ce matin et visiter 7 temples cet après-midi ». De manière générale prenez garde à l’excès de temples; en Asie il y en a beaucoup.
Les temples donc… Les enfants ne voient pas l’intérêt de revoir en boucle les Jizos habillés, l’encens fumant, le bouddha rieur, le saule pleureur. Une fois lassés, ils optent généralement pour une posture pleurnicharde, au mieux, ou au pire totalement imprévisible. On se fait finalement taper sur l’épaule par un membre du service d’ordre «
Could you tell your son not to urinate on the temple’s ruins?»
(Gros Soupir)
Vient le temps du repas : « On en a marre de manger des tempuras ! »… Ô tempura, ô mollesse (encore un calembour qui fera date). L’aventure gastronomique a donc elle aussi besoin de soupapes. Celles-ci prennent souvent l’apparence d’une pizza. “Could you tell your kid not to throw the tempura on the floor because he doesn’t like it?” (Gros soupir)
Varier les activités : tout le monde devant s’y retrouver, il faut bien consentir à mettre un peu d’eau dans son saké. La plage est une option facile car elle fait consensus. Mais à défaut, le contact avec les animaux est souvent apprécié et laisse des souvenirs impérissables aux enfant. Moins aux animaux. "Could you tell your son not to fight with the monkeys?” (Gros soupir).
Les escapades en vélo, canyoning, ski, pédalo sont également promises au succès. Quoiqu’à bien y réfléchir, c’est plus que discutable pour le pédalo, qui me semble être l’activité qui présente le ratio [plaisir réel] / [plaisir imaginé] le plus faible au monde. Qu’est-ce qu’on s’emmerde sur un pédalo !!! Ça avance pas, on a mal aux jambes et on fait des ronds dans un rayon de 50m sur un esquif avec une tête de canard, pour un coût prohibitif et une satisfaction nulle. On en sort de mauvaise humeur, sali de s’être compromis dans pareille aventure. On est humilié, on regarde ses chaussures en bafouillant « bon, ben c’était bien non ? » Mon conseil : oubliez le pédalo. C’est nul.
Enfin il est évidemment recommandé de partir à plusieurs familles, avec des enfants du même âge. Un esprit de caserne se constituera rapidement. Dans ces configurations, on ne saurait trop conseiller d’éviter de mélanger les familles dans les chambres (je parle des enfants) : le combo nuit de 3h + journée intense abaisse le seuil du premier signal faible (voir ci-dessus) à 9h du matin.
Voilà pour mes quelques conseils.
J’ai forcé le trait à dessein. Au-delà de ces caricatures, l’honnêteté m’oblige à finir ces quelques lignes un peu gratuites par le seul constat sérieux qui s’impose :
Les enfants sont formidables.
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