A taaaaable!
Hot Pot dans le Sichuan à Yibin |
Aujourd’hui je traite d’un sujet difficile qui est la gastronomie chinoise. C’est sensible. J’en suis conscient. On touche ici à l’âme de la Chine, tant il est vrai que la nourriture et les repas y ont une place inouïe (ce qui explique que je me sois vite trouvé comme un poisson dans l’eau ; c’est Olivier qui écrit vous l’aurez compris).
Chaque région a ses spécialités et les revendique. On est très loin du restaurant « pâté impérial » à l’angle de l’avenue du 8 mai - je pense que vous avez l'image.
J’ai été impressionné de voir combien ici, manger c'est vraiment sacré, presqu'au sens premier. Cela m’a donc inspiré quelques parallèles vaseux pour structurer ce petit billet :)
- « Tu pourras manger de tous les arbres du jardin », Genèse 2:16
En résultent des associations de goûts et de textures inattendues et souvent réussies, ainsi qu’une immense variété : canard laqué, jiaozi, petit pains fourrés, légumes (et surtout champignons), viandes en sauce, hot pot etc.
L’honnêteté m’oblige à admettre qu’il y aussi des mauvaises
surprises (voir plus loin) mais j’estime le ratio {bonnes surprises} /
{surprises} à 70%. Aurore est plutôt à 58%. Les petits à 2% (voir jiaozi).
- « … qu'il trempe le bout de son doigt dans l'eau et me rafraîchisse la langue; car je souffre cruellement dans cette flamme. », Luc 16:24
Dans certaines régions (Yunnan et surtout Sichuan…), les
spécialités sont sacrément épicées. Très réputée, cette cuisine qui arrache est
parfois intéressante, notamment pour les hot
pots, sortes de fondues bourguignonnes chinoises - voir photo tout en haut.
Mais parfois c’est trop ! Le bon indicateur pour le savoir à l'avance est l’entrée
dans le restaurant : lorsque la simple inhalation de l’air pique les
bronches et fait tousser, on sait que la soirée va être longue ; et la
nuit compliquée.
- «Vous ne mangerez point de graisse de bœuf, d'agneau ni de chèvre », Lévitique 7:23
Oh les coquins! Non seulement on
mange ici la graisse du bœuf, de l’agneau et de la chèvre, mais en plus on les
mélange, et on rajoute celle du porc, de la friteuse, et (qui sait) de la
voiture.
La graisse et la cuisine chinoise
sont consubstantielles, en ce que l’une (Une) et l’autre (Autre) sont
semblables et de même nature (Nature) et ne font qu’Un. Et de même que la graisse
est dans la nourriture, la nourriture est dans la graisse. Et toutes deux ne
forment qu’Un Seul Plat.
- «mais il s'y mit des vers, et cela devint infect. Moïse fut irrité contre ces gens », Exode 16:20
On constate parfois une
propension étonnante à gâter ce qui est bon. J’ai ainsi dû manger du poisson
maturé (on attend que le poisson pourrisse puis on le cuit et on le sert en
grande pompe). De loin mon pire souvenir. Je ne sais toujours pas si c’est une
preuve d’estime comme ils me l’ont assuré… Ou bien s’ils riaient sous cape
pendant que je réprimais difficilement des spasmes, les yeux exorbités et les
joues gonflées, toujours bien sûr avec cette dignité et cette élégance qui me servent
de seconde peau.
Ils font aussi le coup avec le tofu, qui n’est déjà pas dingue à la base, et qui ne s’améliore pas une fois fermenté.
Dans le genre peu ragoûtant viennent aussi les insectes. Et les œufs de cent ans. Et les concombres de mer. Et les cartilages frits. Et les pieds de poule. Et la tête. Alouette.
- « Il faisait dans sa maison un festin comme un festin de roi; il avait le cœur joyeux, et il était complètement dans l'ivresse , Samuel 25:36
La quantité d’alcool absorbable en un repas est un indicateur de virilité. Il n’est pas rare qu’on me demande « tu peux boire combien de bières en un dîner ? Combien de baijiu ? ». Ce à quoi je réponds avec une insolence fière « Beaucoup ! Et moi, je deviens pas tout rouge au 2ème verre… vas-y jojo, envoie la sauce ! »
Que de moments de grâce n’avons-nous pas vécu… Quand Mr Lu (le nom a été changé) s’éclipse aux toilettes en titubant à 19h30 pour délester son estomac d’un trop plein d’éthanol, on se dit que l’humanité est belle et vaut la peine d’être sauvée. Il revient en chancelant et s’affale sur sa chaise. Ses yeux ont quitté le monde des vivants, sa chemise est ouverte et sa cravate a disparu. Son téléphone sonne dans le vide (la sonnerie est la chanson « Hélène, je m’appelle Hélène »). Le souffle court, il rassemble ses derniers efforts, saisit son verre, se concentre sur son élocution en contractant sa bouche et une dernière fois, hurle la formule magique "GANBEI!!!" ("cul sec"), vide son verre d'une traite et retombe en arrière.
Magnifiques moments.
- « …Et tu inventeras les Jiaozi et leurs dérivés, qui seront ton rachat », Olivier75
Jiaozi,
dumplings et autres dimsums… Autant de petites ravioles farcies dont on mange
sans modération... Exquis !
- «Y'a pas à dire, dans l'ensemble ça passe », Anonyme
Plus important, cette gastronomie inventive
est associée à la joie, et le repas est le moment d’échange par
excellence ; c’est le temps des affaires et celui de la famille.
On trouve vraiment à table quelque
chose qui nous lie, nous français, aux chinois.
Article excellent, on a l'impression d'y être ! Quelles découvertes pour les papilles ! Je n'aurais qu'une crainte, c'est de manger du chien, avec ce qui se passe à Yulin ... Brrr ...
RépondreSupprimerOn ne sait pas au final si l'ulcère l'emporte sur la cirrhose. Match palpitant en tout cas.
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