Crises spirituelles



Tout a commencé pendant les vacances de Noël à Kunming, dans le Yunnan (Sud de la Chine). Nous visitions le temple Yuantong, lieu de prière et de sérénité. Comme toujours, un Bouddha doré trônait dans la salle de prière, embrassant les fidèles d’un doux regard rieur; l’encens embaumait et le soleil commençait à nous réchauffer, dans le silence des premières heures du jour. L’harmonie et la paix qui se dégageaient des lieux nous enveloppaient dans un confortable sentiment de bien-être, terreau propice à l'Expérience Mystique (normalement si on lit ce paragraphe sur une musique d’Enya ça rend vachement bien).

Une dame âgée s’avance alors lentement, donne aux garçons une petite bougie et de l’encens, et leur montre comment faire leurs dévotions. C’est là que, dans une profession de foi soudaine et stupéfiante, Arthur et Louis se déclarent brutalement bouddhistes (plutôt grand véhicule), allument leurs cierges et se mêlent aux fidèles, foulant aux pieds des années d’un catéchisme rigoureux qui, pensions-nous, mettraient nos petits à l’abri des questionnements farfelus. 


Pris de court, et privés de soutiens théologiques structurés (on ne captait pas internet et Nicolas est loin), nous avons dû improviser des parades telles que "Bouddha aux pommes" ou "tiens voilà du Bouddha". Le rire fit son effet et dissipa cette première pulsion. La chrétienté était sauve et le reste du voyage s’effectua sans encombre... Mais le ver était dans la pomme.

En Thaïlande, rebelote : en plus d’avoir le regard doux et rieur, Bouddha est là-bas coiffé de 7 serpents qui, dit-on, vinrent protéger sa tête de la pluie. En plus le « gros moine chinois » (rieur lui aussi) dont il faut toucher le ventre, a beaucoup plu aux jeunes.
Nous n’étions plus de taille pour lutter… l’engouement des enfants pour le bouddhisme a repris de plus belle et nous avons temporairement fait nôtre la phrase de Tchouang-Tseu « il faut savoir ce contre quoi on ne peut rien, et l'accepter comme sa destinée » (ah, mais c’est qu’on élève un peu le niveau, hein !)

             







Plus récemment à Xi’an, nous sommes tombés en pleine fête des morts, et avons bénéficié grâce à notre guide de quelques rudiments de sagesse taoïste et confucianiste sur le rapport aux ancêtres, la place de la famille, tout ça... Là on était plutôt en terrain connu donc on a dit ok…  mais à la pagode de l’oie sauvage on a compris qu’en Chine, le confucianisme, le taoïsme et le bouddhisme étaient assez liés puisque les deux premiers ont influencé le troisième, avant de s’opposer et de se recroiser. Et que donc, même si les rites relevaient de l’une de ces religions / philosophies, ils trouvaient parfois leur source dans une autre, et étaient le plus souvent devenus à la longue des éléments de culture, au-delà de leur origine première. J’avais fait un schéma pour expliquer tout ça mais il ressemble au final à un plan du réseau ferré de Pékin et je vais plutôt prendre une aspirine…

Le religieux, le culturel et la philosophie se sont fondus, formant ce tout difficile à détricoter pour les nouveaux venus que nous sommes, et qui semble constituer la fondation profonde et stable de ce pays, au-delà même de la croyance de chacun : notre guide était agnostique mais observait une partie des rites bouddhistes. Plus je me relis et moins je comprends ce que je voulais dire;

Pour ce qui est de la crise spirituelle, ça va mieux : l'avantage c'est que si nous ne comprenons pas encore tout à toutes ces subtilités, nos génies d’enfants non plus … et Pâques a remis tout le monde d’accord (au-delà du chocolat 😇?)

Commentaires

  1. Article aussi intéressant et bon que les précédents ... petite question ... y a-t-il des droits de déposés pour les expressions "Tiens, voilà du Bouddha" et "Bouddha aux pommes" ? Parce que c'est très bon ... (surtout le Bouddha aux pommes). Si je réutilise l'expression, je ne manquerai pas de citer la source !! Toujours d'aussi belles photos.

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